Bonnes pratiques en médiation culturelle
Cette page propose trois études de cas concrets et six bonnes pratiques et recommandations en matière de médiation culturelle.
La médiation culturelle est à la fois un concept, un métier, un outil et une pratique visant à rendre la culture et l’art accessibles à un public large et diversifié. Ce concept, vaste et complexe, regroupe une multitude de pratiques différentes. Une constante semble néanmoins se dégager dans toutes ces pratiques : un objectif qui vise à créer un lien entre l’œuvre et le public.
Cette page propose trois études de cas concrets : « Une œuvre, mon histoire » (MCBA-Lausanne), Art Truck (association Destination 27) et Beauty and Rooms (PALP Festival et Musée d’art du Valais).
De ces études de cas découlent six bonnes pratiques et recommandations en matière de médiation culturelle, destinées aux professionnel·les, associations et institutions culturelles.
Cette boîte à outils est issue du mémoire « Médiation culturelle : pratiques d’accompagnement et bonnes pratiques », réalisé par Belinda Ucar lors de son stage à l’Observatoire romand de la culture, dans le cadre de son Master PMP à l’IDHEAP. Ce travail réalisé en 2024 analyse les influences des formes actuelles de médiation culturelle sur les pratiques d’accompagnement et les bonnes pratiques à en retirer afin de contribuer à surmonter les inégalités d’accès à la culture.
Trois études de cas
« Une œuvre, mon histoire »
Présentation
Le programme « Une œuvre, mon histoire » (mars-octobre 2022) s’inscrit dans le cadre d’une recherche-action intitulée « Réinventer la pédagogie des opprimé·es pour favoriser la participation culturelle dans les institutions d’art contemporain suisses », au Musée cantonal des Beaux-Arts (MCBA), à Lausanne.
L’objectif de ce projet participatif était de favoriser l’intégration culturelle des femmes migrantes dans des espaces culturels pour des publics dits éloignés des institutions muséales.
Les participantes ont visité le MCBA pour sélectionner des œuvres puis les ont mises en relations avec leurs expériences personnelles, à travers des capsules audios en français et dans leur langue maternelle. Le projet s’est clôturé par un vernissage où les participantes ont invité leur famille. Le temps de cette présentation, elles se sont transformées en médiatrices culturelles pour expliquer les œuvres qu’elles avaient sélectionnées.
Méthodes d’accompagnement
- Le programme s’est construit en interaction avec les participantes. Il s’est adapté à leurs intérêts et à leurs retours pendant le processus.
- Il repose sur une relation horizontale : participantes et professionnel·les sont placé·es sur un pied d’égalité.
- L’accent est mis sur l’activité pratique et l’implication active des participantes.
Impacts
- Déconstruction des stéréotypes culturels.
- Appropriation du musée par les participantes et renforcement du sentiment de légitimité des participantes, par le lien de confiance qui s’est construit avec les médiatrices et participantes.
- Diversification du discours du musée, qui intègre et légitime la diversité des points de vue, et pérennisation du discours à travers des capsules audio disponibles en ligne.
« Art Truck »
Présentation
Le projet Art Truck vise à construire une exposition artistique en collaboration avec des personnes issu·es de structures sociales. Les participant·es sélectionnent des œuvres qui leur sont apportées par un « camion-musée », qu’ils·elles présentent ensuite à leur entourage et aux visiteur·euses.
La 3e édition s’est déroulée au printemps 2022 dans l’éco-quartier de la Jonction à Genève, à l’invitation du Fonds d’Art Contemporain (FMAC), partenaire récurrent du projet. Contrairement aux éditions précédentes, ce projet n’impliquait pas de structure sociale spécifique, mais ciblait les habitant·es de ce quartier marqué par une mixité sociale : artistes, résident·es de la classe moyenne et bénéficiaires de l’aide sociale.
Méthodes d’accompagnement
- Le projet s’adapte en fonction des spécificités du public et offre un accompagnement personnalisé.
- Les participant·es sont des commanditaires actif·ves du projet, renforçant ainsi leur sentiment d’appartenance.
- Utilisation de techniques d’accompagnement qui facilitent l’expression, la délibération collective et la prise de décision (« mind mapping », carnet de bord, etc.)
Impacts
- Connexion entre les résident·es du quartier et le Fonds Municipal d’Art Contemporain (FMAC), en renforçant la visibilité de cette institution.
- Ouverture culturelle des participant·es : certain·es membres du groupe initialement réfractaires à l’art contemporain ont évoqué une évolution de leur perception.
- Renforcement des liens sociaux et de cohésion au sein de la communauté locale.
« Beauty and Rooms »
Présentation
Le projet « Beauty and Rooms » a été réalisé par le PALP Festival, en partenariat avec le Musée d’Art du Valais. Il vise à exposer des œuvres d’art contemporain dans des espaces privés. Les œuvres sont présentées chez les habitant·es de la vieille ville de Sion ou dans des lieux comme des salons de tatouage. L’objectif est de créer une interaction entre l’art, les espaces intimes des résident·es et les visiteur·euses.
Les participant·es ont été invité·s à visiter les réserves du musée d’art, où ils·elles ont pu choisir une œuvre qui serait exposée chez eux. Pendant cette étape, les participant·es ont bénéficié d’un accompagnement scientifique et technique, leur permettant d’approfondir leurs connaissances sur les œuvres sélectionnées.
Durant l’exposition, à l’entrée de chaque lieu, les visiteur·euses trouvaient une fiche plastifiée expliquant l’œuvre en quelques phrases et proposant une question liée à l’œuvre exposée, mais aussi en lien avec des traits de leur personnalité, afin de déterminer leur profil de collectionneur·euse. Ils·elles pouvaient ensuite se faire un tatouage éphémère correspondant à leur profil.
Méthodes d’accompagnement
- Rôle actif des participant·es en tant que médiateur·ices auprès des visiteur·euses.
- Autonomie des visiteur·euses, avec une dimension immersive et interactive.
- Expérience ludique avec les tests de personnalité et les tatouages éphémères.
Impacts
- Accueil de publics éloignés des musées et modification de certaines idées reçues sur l’image des musées cantonaux.
- Renforcement des liens sociaux dans la ville et création d’échanges autour de l’art dans un cadre détendu et informel.
- Apport d’une dimension ludique à l’expérience muséale pour offrir une nouvelle façon de vivre l’art, en sortant des formats plus classiques ou institutionnels.
Six bonnes pratiques
Répondre aux besoins des publics cibles et valoriser la diversité des pratiques
- Répondre aux besoins concrets : Proposer des projets ancrés dans la réalité des publics et abordant des sujets qui les concernent directement, pour renforcer leur engagement et leur légitimité.
- Adopter des approches adaptées et flexibles : Aller au-delà des formats classiques en proposant des points d’entrée contextualisés, en fonction des besoins spécifiques de chaque groupe.
- Diversifier les formats d’interaction : Offrir une palette variée, comme des discussions, ateliers participatifs ou visites guidées, afin que chaque public trouve une formule qui lui correspond.
Pérenniser et capitaliser sur les projets existants avec un accompagnement à long terme
- Renforcer la fidélisation des publics : Consolider les liens avec les participant·es plutôt que de se concentrer uniquement sur la conquête de nouveaux publics.
- Assurer un accompagnement à long terme : Soutenir durablement les publics, notamment ceux qui sont éloignés des pratiques culturelles, pour renforcer leur attachement aux projets et leur engagement culturel.
- Améliorer les projets dans le temps : Plutôt que de multiplier les nouvelles initiatives, miser sur les projets qui ont fait leurs preuves.
Encourager l’adaptabilité, la flexibilité et la co-construction
- Impliquer les participant·es dès le départ : Adopter une démarche de co-construction pour renforcer la pertinence du projet, valoriser les expériences des participants et favoriser leur appropriation.
- Créer un espace d’écoute authentique : Accueillir les retours, même critiques, pour enrichir le processus et répondre aux attentes réelles des publics.
- Favoriser la flexibilité et l’adaptabilité : Considérer le projet comme un cheminement évolutif et ajuster les actions en fonction des besoins des participant·es et des résultats obtenus.
Intégrer la médiation dans des contextes variés
- Proposer des médiations dans des lieux familiers : Favoriser des endroits où les publics se sentent à l’aise et curieux, sans nécessiter un changement radical de comportement.
- Investir l’espace public : Exposer des œuvres ou organiser des activités culturelles dans des lieux accessibles pour toucher un public diversifié et inattendu.
- Créer des expériences spontanées : Laisser la médiation culturelle s’intégrer de façon naturelle dans des moments ou des lieux où les gens ne s’attendent pas forcément à vivre une expérience culturelle.
Travailler dans une posture d’échange et d’horizontalité
- Adopter une posture d’échange : Privilégier le dialogue avec le public, en valorisant leurs avis et expériences, plutôt qu’une simple transmission d’informations.
- Éviter les préjugés et l’instrumentalisation : Ne pas enfermer les participant·es dans des stéréotypes liés à leur langue, handicap ou situation sociale, et les encourager à s’exprimer librement.
- Fournir des outils pour surmonter les barrières : Mettre en place des moyens pour aider les publics à dépasser les obstacles sociaux, linguistiques ou culturels et renforcer leur participation active.
Valoriser les partenariats et les collaborations
- Miser sur les partenariats : Tirer parti des ressources, méthodes et expertises variées offertes par les partenaires pour enrichir les projets.
- Valoriser le public des partenaires : Les partenariats permettent de faire connaître une institution, tout en apportant une identité différente et un accès à un nouveau public.
- Favoriser la co-création : Collaborer avec des institutions externes pour créer des opportunités de co-création et rendre les projets plus adaptés aux besoins des communautés locales.